Quel est le rôle du psychomotricien en crèche ?

Publié le : 26/02/2019

Le psychomotricien est un professionnel de santé, auxiliaire de médecine et spécialiste du développement moteur. Il peut intervenir dans les structures d’accueil des jeunes enfants. En crèche, le psychomotricien joue un rôle essentiel dans l’accompagnement du tout-petit ainsi que du personnel. Quelles sont ses missions ? A quel moment intervient-il  

Le psychomotricien, un professionnel de santé 

Le psychomotricien est un professionnel de santé spécialisé dans les sujets liés au développement moteur d’un individu. Il peut être spécialisé dans le développement de l’enfant, auquel cas, son expertise est très utile en crèche ! En effet, de 0 à 3 ans, les tout-petits développent une motricité prodigieuse ! L’évolution psychologique de l’enfant à cet âge est également spectaculaire.  

Qu’est-ce que la psychomotricité ? 

 La psychomotricité est une méthode thérapeutique permettant d’accompagner et de résoudre les difficultés moteurs, comportementale, relationnel ou émotionnel d’un individu, enfant ou adulte. Le psychomotricien s’intéresse alors au corps dans tous ces aspects :  

  • Fonctionnel (mobilité) 

  • Expressif (émotions, désirs) 

  • Relationnel (échange avec le monde extérieur) 

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De l’intérêt d’un psychomotricien en crèche 

L’accompagnement de l’enfant en crèche 

En crèche, le psychomotricien veille aux bonnes conditions d’accueil du tout-petit et à son bon développement moteur et psychologique. Le psychomotricien permet à l’enfant de s’approprier son corps, d’apprendre à l’utiliser, à contrôler ses gestes et appréhender ses émotions. Il accompagne l’acquisition de l’autonomie de l’enfant. 
 

Le psychomotricien intervient soit à la demande d’un professionnel de crèche (médecin, direction ou tout autre membre de l’équipe) soit à la suite d’une observation faite en de sa présence auprès des enfants, au sein de l’établissement. Son approche est à visée psychocorporelle, c’est-à-dire qu’il va mettre en place des jeux mettant en mouvement le corps de l’enfant : soit des jeux moteurs ou jeux d’éveil sensoriel amenant à affiner, à renforcer la maîtrise du geste, notamment dans la prévention des troubles de la dyspraxie. Il peut travailler en collaboration avec une auxiliaire de puériculture ou une éducatrice de jeune enfant à qui il transmet un savoir- faire afin d’assurer, en son absence, la continuité du travail commencé auprès de l’enfant. 

En crèche, le psychomotricien ne fait pas de bilan psychomoteur mais établit des comptes-rendus pour le médecin et la directrice de l’établissement. Il participe aux réunions du personnel éducatif, social et médical. Il propose des installations (comme lors de torticolis ou de syndrome de la tête plate) et apporte sa réflexion quant à l’aménagement de l’espace.  

 

Un rôle de prévention 

Le travail du psychomotricien en crèche s’inscrit donc dans le champ de la prévention. 

Le psychomotricien va s’assurer du bon développement psychomoteur de l’enfant en proposant des jeux qui vont favoriser son éveil psychomoteur, tout en observant dans un premier temps, chez le bébé, la mise en place des niveaux d’évolution motrice.  

Dans le cadre de l’accueil d’enfants rencontrant des difficultés motrices et /ou du comportement, sans diagnostic de handicap, son rôle va être de favoriser une prise en charge adaptée, de suppléer les difficultés de développement qui émergent.  

Pour les enfants porteurs de handicap, accueillis avec un Projet d’Accueil Individualisé, le psychomotricien va s’assurer qu’il n’y a pas d’aggravation du handicap telle que des difficultés relationnelles qui viendraient s’ajouter aux déficiences d’origines. Il s’assurera de la bonne intégration de l’enfant au sein de ses pairs. Les Services d’Education Spécialisée Et De Soins A Domicile travaillent avec les Etablissements d’Accueil du Jeune Enfant accueillant des enfants porteurs de handicap. 

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L’accompagnement des familles 

Le travail du psychomotricien est également essentiel auprès des familles. Il établit une relation de confiance avec les parents et assure un rôle d’information, d’écoute et de soutien auprès des parents sur toutes les questions relatives au développement psychomoteur de leur enfant. Il peut également les guider dans leur fonction parentale avec des suggestions d’activités pour aider le jeune enfant dans son éveil psychomoteur.  

 

L’accompagnement de l’équipe de crèche 

Le psychomotricien constitue un soutien précieux pour le personnel de crèche. En effet, il participe activement à la mise en place du projet pédagogique de la crèche et conseille les équipes sur les activités évolutives pour chaque groupe d’âge. 

Il s’assure au quotidien que les équipes adaptent leur pratique au développement psychomoteur de l’enfant, et non l’inverse.  

Il sensibilise les professionnels de la petite enfance au langage du corps des tout-petits, à leur schéma corporel, à leurs émotions, notamment lors des journées pédagogiques annuelles. Le psychomotricien conseille également les équipes de crèche sur l’accompagnement des petits ayant un retard de développement ou en situation de handicap. 

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Rencontre avec Lucie Meunier, psychomotricienne formatrice en crèche 


Lucie Meunier est psychomotricienne formatrice et auteur du livre « Le bébé en mouvement », publié aux éditions Dunod*. 

Vous intervenez dans de nombreuses structures petite enfance. Pourquoi vous sollicitent-elles ? 

Lucie Meunier : J’interviens en effet dans de nombreuses crèches, mais aussi des haltes-garderies, des relais d’assistantes maternelles. Les professionnels ont souvent des questions par rapport au comportement de certains enfants. Ils ont aussi recueilli les questions de parents sur la motricité ou l’affectivité de l’enfant par exemple. Les éducateurs de jeunes enfants sont bien formés sur la psychologie de l’enfant, mais ils ont besoin d’aide sur son développement corporel. C’est sur cet aspect que j’apporte mon analyse en tant que psychomotricienne. 

Concrètement, quel type d’accompagnement proposez-vous aux professionnels ? 

Lucie Meunier : Les professionnels ont toujours des questions sur l’organisation de l’espace, l’aménagement du mobilier, les jeux, les ateliers de motricité. Je les conseille sur la mise en place d’espaces de jeux qui feront vivre des expériences de développement aux enfants. Par exemple quand on installe des espaces en hauteur (plans inclinés), les enfants sont attirés par le fait d’aller plus haut. Ou encore si on leur propose des cabanes, ils ont envie de se rencontrer, de faire des choses à plusieurs. 

J’observe beaucoup. Je propose parfois moi-même un espace moteur pour mieux observer les mouvements des enfants. A leur demande, je conseille aussi les professionnels sur le choix du matériel.  

Vous observez les enfants, leur corps en dit beaucoup sur leur état émotionnel ? 

Lucie Meunier : Beaucoup d’émotions se lisent au travers des jeux ! J’apprends aux professionnels à décoder ces émotions pour développer des compétences chez l’enfant. Certains enfants par exemple ont été bloqués pendant leur naissance, ce qui les a beaucoup impactés. On peut leur proposer de passer dans un tunnel en boudin pour qu’ils sentent qu’ils ne sont plus coincés.  

Le développement n’est pas qu’une question d’âge, mais aussi de vécu personnel. Il est donc important de prendre en compte les informations délivrées par les parents. Un enfant est toujours singulier, il a une histoire et une géographie physique particulières. Au début il n’a pas le langage oral pour l’exprimer. Notre rôle en tant que psychomotricien est de lire ce corps : regarder les crispations, les surprises, puis les traduire pour les surpasser. On aide l’enfant à jouir de ses compétences. 

Vous jouez aussi un rôle de prévention car les professionnels s’appuient sur votre regard extérieur. 

Lucie Meunier : Dans le déroulement des activités, les professionnels ont parfois du mal avec la question de l’ajustement : ils doivent veiller en permanence à la sécurité des tout-petits, et prônent à la fois l’activité autonome. L’enfant a besoin de bouger librement, mais cela devient parfois dangereux. Il faut prendre conscience que l’enfant comprend très bien quand on lui pose des limites. 

Je peux aussi percevoir un trouble que les professionnels n’auraient pas remarqué chez un enfant et leur expliquer qu’ils doivent porter une attention particulière sur tel aspect de son développement. Mon regard extérieur soutient les professionnels, parfois incertains dans leur jugement.  

En quoi les postures des professionnels influent-elles sur le développement de l’enfant ? 

Je m’intéresse en effet à leurs propres postures. Souvent les professionnels font de l’enfant un être passif et en parallèle se plaignent d’avoir mal au dos, aux bras. On se rend compte que les mouvements économiques de l’adulte servent l’autonomie de l’enfant. S’il sait se coucher tout seul, on n’a pas besoin de le coucher, s’il sait se hisser sur un plan en hauteur on n’a pas besoin de se baisser pour l’y aider. Ma philosophie c’est qu’en développant le potentiel de capacités des uns, on préserve la santé physique des autres.  

A travers les positions des professionnels, je décode aussi leurs états affectifs. Si l’un d’eux est tendu pendant un temps de soin, je lui indique qu’il peut prendre plus son temps. 

Selon vous, à quelle fréquence les structures doivent-elles faire appel aux psychomotriciens ? 

J’interviens soit ponctuellement, soit plus régulièrement : 3 fois par an voire 1 fois par mois dans la même crèche. L’idéal serait de faire intervenir des psychomotriciens dans toutes les crèches, à raison d’une fois par semaine. On en voit vraiment les bénéfices : d’une séance à l’autre les enfants changent dans leur appréhension, leur investissement, leur coordination… Cela a un impact fort sur leur développement. 

 

Le rôle du psychomotricien en Etablissement d’Accueil du Jeune Enfant est important. Il ne doit pas être considéré comme un luxe mais comme une chance : il apporte une dynamique supplémentaire à l’équipe pluridisciplinaire par les ateliers qu’il peut proposer aux enfants et par sa réflexion. Et il a aussi, bien sûr, un rôle direct d’accompagnement à la parentalité. Parce qu’il est formé à l’approche psychocorporelle, il se trouve en première ligne de l’accompagnement de l’enfant et le dote ainsi d’une meilleure estime de lui.  

 

Rédaction : L'équipe Les Parents Zens

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