Influence inconsciente du genre

Publié le : 02/05/2023

La crèche est une mini société où se jouent déjà les premières représentations liées au genre. Inconsciemment, familles et professionnelles, fabricants et distributeurs, peuvent parfois renforcer, nourrir, influencer une façon d’être au monde des petites filles et des petits garçons.

A ce titre, la crèche lieu de socialisation précoce, détient une responsabilité importante pour offrir à tous les enfants un univers riche et varié, basé sur une approche pédagogique neutre laissant place à tous les possibles.

Une offre ludique non genrée

A la crèche, les enfants jouent avec l’ensemble des jeux mais il est possible d’observer que certaines affinités ludiques se dégagent au fil du temps pour les garçons et les filles. Les garçons vont jouer davantage avec les voitures alors que les filles vont investir plus fréquemment l’espace dinette-poupées. Ce glissement au fil des mois est loin d’être systématique mais il est tout de même observable.

Répondant à l’appétence exploratoire des enfants, les aménagements en crèche sont fréquemment organisés en zones de jeux qui n’appellent pas à priori au genre de l’enfant : espace construction, moteur, symbolique, manipulation, lecture etc… Ouvertes à tous, ces zones de jeux sont en libre accès, les enfants choisissant d’explorer leur univers combinant à leur guise tel jeu avec tel autre.

Par ailleurs, pour lutter contre les stéréotypes de genre, « une charte pour une représentation mixte des jouets » a été signée en septembre 2019 par les acteurs du secteur des jouets afin de véhiculer une approche plus neutre, évitant d’enfermer les enfants dès leur plus jeune âge dans des rôles sociaux prédéfinis.

Des influences inconscientes

Pourtant, comme évoqué, en dernière année de crèche des préférences genrées se dessinent. Interrogés sur ce sujet, les professionnels se défendent d’orienter le jeu des enfants ce qui est probablement « consciemment » vrai. Les attitudes, les paroles, les demandes en fonction du sexe de l’enfant sont pourtant bien réelles. Tout d’abord il faut noter que la petite enfance est composée principalement de femmes ce qui est déjà une caractéristique très spécifique de ce milieu professionnel. Les enfants vivent donc avec du personnel féminin qui s’occupe d’eux toute la journée. L’absence de mixité à la crèche délivre donc un message nourrissant l’idée que ce sont les femmes qui s’occupent des enfants.

D’autre part, les équipes travaillent avec leurs propres représentations issues de leur culture, leur éducation et leur vision personnelle des qualités et compétences qu’un enfant fille ou garçon devraient avoir. Malheureusement, peu de formations abordent ce sujet laissant dès lors les professionnels exercer leur métier imprégnés de réflexes genrés pouvant s’illustrer par les exemples suivants : encourager le garçon à sauter, prendre des risques sur le plan moteur et redoubler de prudence quand il s’agit d’une fille, féliciter chaleureusement le maternage d’une poupée effectué par une petite fille et ne rien dire pour celui pratiqué par un petit garçon, disposer d’une littérature jeunesse ou les héros et héroïnes sont enfermés dans des rôles traditionnels.

Inné ou acquis ?

Dans le cadre familial aussi, les représentations s’invitent au quotidien venant alimenter petit à petit dans le développement de l’enfant, des valorisations et des empêchements marqués par le genre.

Faites l’expérience d’offrir à un petit garçon de votre entourage une poupée dans son couffin ou un garage à une petite fille. Observez attentivement la réaction du parent à qui vous devrez, à n’en pas douter, quelques explications sur ce drôle de choix...

Que dire également des cadeaux que l’on peut faire aux enfants plus grands : pour la fille un jeu de perles pour fabriquer des colliers et bracelets et pour le garçon un microscope pour faire des expériences scientifiques. Plusieurs d’entre vous pourront retorquer que c’est l’enfant qui fait ses demandes et que le parent ne fait qu’y répondre. Certainement, mais la question que nous pouvons nous poser serait la suivante : l’attrait pour tel ou tel jeu est-il inné ou au contraire est-il socialement construit à l’image des places genrées dans notre société ?

Pour conclure, nous pouvons donner l’exemple de la Suède, désireuse d’offrir aux filles les mêmes opportunités que les garçons et ce dès le plus jeune âge, qui a expérimenté voilà déjà plusieurs décennies des écoles avec un modèle scolaire non genré. Dans leur approche, il s’agit de « contrecarrer les modèles traditionnels de genre » en appliquant une pédagogie neutre.

A ce jour la suède est régulièrement classée parmi les pays les plus avancés au monde concernant l’égalité hommes-femmes…. A méditer !

Rédaction : Anne Boulhoud

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